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Gérald Balimann, Expert-comptable diplômé, Partenaire

CAS DE RIGUEUR
Le canton de Vaud initie la procédure de controlling

Gérald Balimann, Expert-comptable diplômé, Partenaire

Tout d’abord il y a lieu de rappeler qu’au cours de la pandémie de Covid-19 le canton de Vaud a mis en place un système de soutien financier aux cas de rigueur (ci-après aides CDR).

Ce système était basé sur l’ordonnance fédérale sur les mesures pour cas de rigueur du 25 novembre 2020 (ci-après OF) ainsi que sur l’arrêté cantonal sur les mesures économiques destinées à lutter contre les effets du coronavirus (COVID-19) par un soutien aux entreprises, dans des cas de rigueur datée elle du 2 décembre 2020 (ci-après AC).

Ainsi au cours de la période concernée le canton de Vaud aura versé plus de CHF 445’000’000 aux bénéficiaires de ces aides CDR. Précisons que dans le canton de Vaud aucune aide n’a été accordée pour 2022.

Il est également utile de rappeler que ce processus avait pour but de financer la part de frais fixes non couverts en raison de la chute du chiffre d’affaires découlant des conséquences de la pandémie.

Subvention ?

Une aide pour cas de rigueur est-elle une subvention ?

En l’occurrence le canton de Vaud répond positivement à cette question et considère donc que la loi du 22 février 2005 sur les subventions (ci-après LSubv) et son règlement (ci-après RLSubv) s’appliquent par analogie aux décisions en matière d’aides selon l’AC, à leur suivi, à leur contrôle et à leur révocation (art. 17 al. 3 de l’AC).

L’article 9 RLSubv prévoit à son alinéa 1 que « tout bénéficiaire d’une subvention supérieure à 100’000 francs par an est soumis aux règles en matière de tenue de comptabilité et de présentation des comptes applicables en vertu de l’article 957, alinéa 1 du Code des obligations. Il doit soumettre ses comptes annuels au contrôle ordinaire ou restreint d’un organe de révision agréé ».

S’agissant du coût de ce contrôle l’article 9 RLSubv prévoit à son alinéa 4 que « Les honoraires de l’organe de révision et les coûts de tenue de la comptabilité sont à la charge du bénéficiaire ».

Procédure de controlling pour les cas de rigueur vaudois

C’est donc sur les dispositions susmentionnées que le canton de Vaud s’apprête à lancer la procédure de controlling des aides CDR.

L’objectif est d’analyser tous les dossiers.

Le controlling sera effectué sur la base des états financiers définitifs des années 2020 à 2024 audités ou révisés (si applicable), éventuellement 2025 si une aide a été versée en 2022.

Le type de controlling dépendra du montant de l’aide versé :

=>  si celui-ci est supérieur à CHF 100’000.-, le controlling se fonde sur un rapport NAS 950 à établir par un réviseur agréé

=>  sinon, le controlling se fondera sur une auto-déclaration de l’entreprise concernée.

Le montant de l’aide versé déterminant le seuil des CHF 100’000.- susmentionné est celui versé pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021 donc deux ans.

Il est intéressant de constater que contrairement à la base réglementaire susmentionnée le montant de CHF 100’000.- déclenchant une obligation de contrôle ne porte pas sur une année mais sur deux ans.

L’on peut donc légitimement penser que si l’on appliquait la règle prévue par le RLSubv, le nombre de dossiers soumis à un contrôle serait inférieur à celui actuellement estimé d’environ 1000.

Déroulement

Ainsi le bénéficiaire d’une aide CDR de plus de CHF 100’000.- portant sur la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021 devra mandater un réviseur agréé de son choix pour que celui-ci vérifie les comptes définitifs 2020 et 2021 en remplissant un questionnaire et en délivrant un rapport basé sur les normes d’audit suisses (en l’occurrence NAS 950).

Comme mentionné ci-dessus le coût de ce mandat sera à la charge du bénéficiaire de l’aide CDR.

Ces contrôles devraient se dérouler au cours de l’été 2022 avec un terme initialement prévu au 31 août, puis reporté au 31 octobre 2022.

Attention : l’entreprise qui ne remplit pas ses obligations de transmettre les documents requis au SPEI dans le délai imparti

s’expose à la révocation de la totalité des aides pour cas de rigueur qui lui ont été octroyées. Le cas échéant, le SPEI exigera la restitution de l’intégralité des montants qui lui ont été versés.

Objectifs

Sans entrer dans les détails techniques cet audit aura pour buts de vérifier:

  • L’existence d’éventuelles opérations insolites
  • Le respect des limites de bénéfice sur les exercices 2020 et 2021
  • Le respect des restrictions d’utilisation

Opérations insolites

Il pourrait s’agir de modifications des principes d’évaluation en 2020 ou 2021 par rapport aux exercices précédents, par exemple introduction d’un abattement sur les stocks en 2020 alors qu’il n’était pas pratiqué jusqu’alors ou augmentation du taux d’amortissement sur les immobilisations.

Limites de bénéfice

En cas de chiffre d’affaires supérieur à CHF 5’000’000.- aucun bénéfice en 2020 et 2021 n’est accepté.

La directive précise « Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires de référence est supérieur à CHF 5’000’000: les montants octroyés au titre d’aide pour les entreprises «cas de rigueur» ne peuvent excéder la perte de l’exercice considéré. Si tel est le cas, le bénéficiaire en informe le SPEI de sa propre initiative, sous  peine  de  sanction  au  sens  de  la  loi  cantonale  du  22  février  2005  sur  les subventions (LSubv ; BLV 610.15). »

Si le chiffre d’affaires est inférieur à CHF 5’000’000.-  :

  • Pour les aides CDR provenant d’une diminution de chiffre d’affaires de plus de 40%
    • Sociétés de capitaux : CHF 30’000.-
    • Sociétés de personnes : salaire admissible en comparaison même secteur maxi CHF 120’000 sauf si bénéfice en 2018 et/ou 2019 dans ce cas bénéfice le plus élevé
  • Pour les aides CDR provenant d’une obligation de fermeture de 40j
    • Sociétés de capitaux : CHF 30’000.- sauf si bénéfice en 2018 et/ou 2019 dans ce cas bénéfice le plus élevé
    • Sociétés de personnes : salaire admissible en comparaison même secteur maxi CHF 120’000 sauf si bénéfice en 2018 et/ou 2019 dans ce cas bénéfice le plus élevé

Sachant que certaines entreprises ont bénéficié d’aides CDR par secteur d’activité il est importante de préciser que le bénéfice s’entend par entreprise (IDE distinct), non par demande CDR ; le résultat d’exploitation retenu correspond au résultat de l’exercice provenant des états financiers de l’entreprise et non pas du secteur d’activité.

Le respect des restrictions d’utilisation

Ce contrôle portera pour les comptes 2020 et 2021 puis à l’avenir sur les comptes 2022 à 2024, voire 2025 (dans le cas où une aide CDR aurait été versée en 2022), sur les éléments suivants :

  • Absence de dividendes et tantièmes ;
  • Absence de remboursement de dettes actionnaires ;
  • Absence de prêt actionnaire ou d’augmentation ;
  • Absence de transfert intragroupe (filiale à l’étranger).

En l’état des informations dont nous disposons, tout écart même de CHF 1.- devra être relevé par le réviseur agréé en charge du mandat ; ce dernier n’aura donc aucune marge d’appréciation dans l’exécution de son mandat, qui aurait pu être basée sur la matérialité de l’écart constaté.

Remboursement des aides CDR

Soit, il s’agira d’une restitution partielle de la part :

  • excédant la marge bénéficiaire autorisée par l’arrêté cantonal (art. 12) ;
  • surindemnisée (lorsque les états financiers provisoires de l’entreprise, sur lesquels se base la décision d’aide, surévaluent la perte ou les charges par rapport aux états financiers définitifs).

ou, plus grave, d’une révocation totale en raison des faits suivants :

  • L’entreprise a déjà touché des aides spécifiques à son secteur ou aurait pu en toucher car éligible ;
  • L’entreprise n’a jamais remis ses états financiers définitifs ;
  • L’entreprise a distribué un dividende ou tantième, remboursé un apport de capital ou octroyé un prêt à ses propriétaires ;
  • L’entreprise a transféré les fonds accordés à une société du groupe qui lui est liée directement ou indirectement et n’a pas son siège en Suisse ;
  • L’entreprise avait son siège ailleurs que dans le canton de Vaud au 1er octobre 2020 ;
  • Cas de fraudes et d’abus. S’agissant de ces cas des contrôles complémentaires approfondis sont prévus.

S’agissant de l’évolution du compte courant avec le détenteur du capital, la directive précise que « ..dans des cas justifiés, ces mouvements financiers peuvent  être  raisonnablement  admis  lorsqu’ils  correspondent  à  de  faibles  fluctuations  du  compte-courant actionnaire, qui s’inscrivent dans la continuité des années précédentes ».

Dans le cas où le bénéficiaire d’aides CDR appelé à rembourser toute ou partie de ces dernières devait être dans l’incapacité d’y procéder, l’on ne peut pas exclure une procédure de recouvrement par voie légale pouvant à l’extrême entrainer la faillite. Un plan de paiement peut être demandé au Canton.

Précisons que si un bénéficiaire a commis une faute, des dommages-intérêts lui seront demandés à un taux de 4% l’an dès le 1er janvier 2022. En outre, des sanctions pénales peuvent être prononcées jusqu’à CHF 100’000.-, voire jusqu’à CHF 500’000.- s’il s’avère que le demandeur a agi pour son propre bénéfice.

Réclamation et recours

Les décisions rendues par le SPEI peuvent faire l’objet d’une réclamation dans les 30 jours suivant leur notification. La réclamation doit être écrite, brièvement motivée et adressée au service susmentionné. La procédure sera gratuite ; il ne sera  pas alloué de dépens.

Le SPEI rendra ensuite une nouvelle décision. Celle-ci portera sur l’objet de la réclamation ainsi que sur l’ensemble des éléments revus. Les décisions rendues après réclamation peuvent faire l’objet d’un recours au Tribunal cantonal – Cour de  droit  administratif  et  public  (CDAP). Le  recours s’exercera par écrit dans les 30 jours dès la communication de la décision attaquée.

Dans le cadre de sa procédure de contrôle des aides octroyées, le SPEI recherche en particulier toutes les opérations qui ne s’inscriraient pas dans la continuité des années précédentes. Les documents que devront  remplir  les  entreprises  bénéficiaires  ou  leur  mandataire  permettent de  faire  ressortir  ces éléments.

Le  fait  d’identifier  un  montant  qui  ne  s’inscrit  pas  dans  cette  continuité  ou  de  mettre  à  jour  un changement  de  principe  comptable  ne  signifie  pas  forcément  que  ceci  aboutira  en  définitive  à  la révocation des aides octroyées. Il s’agira donc d’expliquer ces situations de manière détaillée dans le cadre de la réclamation qui serait déposée contre une décision de révocation ou de restitution partielle.  Nous sommes d’avis que de telles explications devraient déjà figurer dans les documents joints au rapport du réviseur mandaté.

Indépendance du réviseur agréé

Le réviseur agréé mandaté par le bénéficiaire de l’aide CDR devra signer une déclaration d’indépendance par laquelle il confirmera en outre :

  • respecter les directives en matière d’indépendance et de qualification telle que définies par EXPERTsuisse ;
  • que les collaborateurs effectuant cet audit sont indépendants des actionnaires, des propriétaires et de sociétés proches du bénéficiaire des aides CDR et n’ont pas conseillé ni soutenu les entreprises précitées dans leurs démarches en vue d’obtenir des aides CDR.

Conclusions

Nous ne pouvons que recommander aux bénéficiaire d’aides CDR de se préparer avec l’aide de leur fiduciaire en constituant un dossier complet à remettre au réviseur agréé mandaté, afin de permettre à ce dernier d’exécuter efficacement et rapidement son mandat. Une telle préparation devrait permettre de réduire le coût de ce mandat dont l’on rappelle qu’il sera à charge du bénéficiaire de l’aide CDR.

Les auteurs du présent article se tiennent à votre disposition pour répondre à vos éventuelles questions.

Gérald Balimann  et  Denis Wulliamoz

Lausanne, le 4 juillet 2022

Lien vers la Directive relative au contrôle des aides octroyées.